1.7 Application tangente et cotangente

Soit f un difféomorphisme de la variété M, ou, plus généralement, une application différentiable de M (de dimension m) dans N (de dimension n). En coordonnées locales, f s’écrit à l’aide de n fonctions fα de m variables yα = fα(xμ). La matrice jacobienne de cette application est la matrice (n,m) des éléments ∂yα∕∂xμ. Une telle matrice définit une application linéaire de l’espace vectoriel tangent à M au point P dans l’espace tangent à N au point f(P). Soit {μ} un repère naturel de M défini dans un voisinage de P et {α} un repère naturel de N défini dans un voisinage de f(P). Soit v TP (M), on peut écrire v = vμ μ. On obtient un vecteur w Tf(P)(N) en écrivant w = wα α avec

|-----------------|
(w α) = (∂yα) (vμ)|
---------∂xμ-------

Cette application, dite application linéaire tangente (ou “push forward”) se note, suivant les auteurs f*, Tf, f~, ou même -→
 f et on dit que w = -→
 f(v) est l’image directe de v. On peut bien entendu définir directement -→f sans utiliser de systèmes coordonnés. De façon générale, à toute application différentiable f : M N, on associe une application linéaire tangente -→
 f : TM TN, et si v TP M, alors -→
 f[v] Tf(P)M. Remarque : on peut toujours prendre l’image d’un vecteur tangent par l’application tangente, mais l’image d’un champ de vecteurs v sur M ne définit pas nécessairement un champ de vecteur sur N ; d’une part, en effet, rien ne prouve qu’un point Q quelconque de N soit nécessairement dans l’image de f, et par ailleurs, même si f est surjective, rien ne dit, dans le cas où deux points distincts P1 et P2 seraient tels que f(P1) = f(P2) que l’image par -→
 f du vecteur v(P1) coïncide avec l’image par -→
f du vecteur v(P2). En fait, pour une application differentiable surjective f : M N donnée, il est commode d’introduire la notion de champ de vecteurs projetable  : v Γ(TM) est dit projetable (par f) si, pour tout Q N et pour toute paire (P1,P2) de points de M tels que Q = f(P1) = f(P2) on ait -→
 f[v(P1)] = -→
 f[v(P2)] ; dans ce cas on obtient bien un champ de vecteur sur N. La même matrice jacobienne (∂yα∕∂xμ) définit également une application linéaire de l’espace cotangent à N au point f(P) dans l’espace cotangent à M au point P. En effet, soit τ Tf(P)*N, alors τ = τ αdyα. L’image de la forme τ est la forme σ TP *M, avec σ = σ μdxμ et

|-------(--α)-----|
|(σμ) =  ∂yμ  (τα) |
---------∂x-------

Cette application, qu’on pourrait appeler application linéaire cotangente , (ou “pull back”) et noter f*, T*f, f~, ou même ←-
 f n’est donc autre que la transposée de l’application linéaire tangente -→
 f au point P M : elle envoie les co-vecteurs de N au point f(P) (i.e. les 1-formes de N au point f(P) ) dans les co-vecteurs de M au point P. Si τ Tf(P)*N, alors ←-
 f(τ) = τ -→
f TP *M. Cette application de T f(P)*N dans T P *M ne peut manifestement pas, en général, se généraliser à une application de T*N dans T*M ; la situation n’est donc pas tout à fait analogue à celle de l’application tangente, qui, elle, est bien définie, comme application de TM dans TN. Par contre, si ω est une 1-forme differentielle sur N, c’est à dire un champ de co-vecteurs, on peut toujours considérer son image par ←-
 f ; en effet, dans ce cas, si v est un vecteur quelconque en P M, alors -→f(P) est un vecteur en Q = f(P) N et le nombre ωQ[-→
f(P)] est bien défini. On obtient ainsi une 1-forme differentielle sur M qu’on notera f*ω ou ←-
 f(ω). On l’appelle en général “pull back” de ω par f. Quelques remarques sur les notations : on peut trouver commode d’utiliser de nouveau le symbole df et d’écrire tout simplement (en un point P donné, non explicitement indiqué par la notation)

|-----(--α)-----------|
|df =  ∂∂fxμ  ∂∂yα ⊗ dxμ |
----------------------
et donc de considérer df comme un élément de Tf(P)N TP *M. La matrice (∂fα∕∂xμ) est la matrice jacobienne de l’application f. Attention, df, ici, n’est pas une 1-forme puisque f n’est pas une fonction à valeurs dans le corps des scalaires mais une application entre deux variétés. Il ne semble pas nécessairement utile de vouloir à tout crin introduire de nouvelles notations chaque fois qu’une fonction de plusieurs variables donne naissance à des applications différentes lorsqu’on décide de geler l’un ou l’autre de ses arguments ! La notation “différentielle” précédente est une généralisation directe de la notation désignant la différentielle d’une fonction à valeurs réelles. Ici, df doit être considérée comme une application bilinéaire qu’on peut noter (.,df,.) dont l’ une des restrictions coïncide avec -→
 f et l’autre avec ←-
f. Si on choisit τ Tf(P)*N et v T P M, on voit que
    ←-                                     -→
σ = f (τ) = (τ,df,⋅) ∈ T *M     et    w  = f (v) = (⋅,df, v) ∈ Tf (P )N
                        P

La notation suivante est également très commode :

⟨σ| = ⟨τ |df     et    |w ⟩ = df |v⟩

Si on choisit un repère mobile e^α = Λα^β β dans N et un co-repère mobile e^μ = L ν^μdxν dans M, on pourra écrire également

           ^∂f α
df = (Λ -1)βα---μ(L- 1)μν^    e^β ⊗ e^ν
            ∂x
et considérer la quantité f^ν^β = (Λ-1) α^β(∂fα∕∂xμ)(L-1)^νμ comme les éléments de la matrice jacobienne de f par rapport au choix de deux repères mobiles.

Nous venons de voir que les 1-formes de N peuvent être “rappelées” sur M à l’aide de ←-
 f :

←-       -→
f ω =  ωf
Il en va de même des p-formes et on définit, pour ω ΩpN, la p-forme ←-
f(ω) ΩpM par l’égalité
←-                     -→    -→        -→
f ω (v1,v2,...,vp) = ω (f v1,f v2,...,f vp)
avec v1,v2,,vp TM.

Nous laissons au lecteur le soin de démontrer les propriétés suivantes :

←-f (ω ∧ η ) = ←-f (ω) ∧ ←-f (n )


  iv←f-(ω ) = ←-f (i-→   ω)
                 f(v)
     ←-        ←-
     f dω =  df ω