2.4 Champs de vecteurs fondamentaux

2.4.1 Cas d’un groupe de Lie agissant sur une variété

2.4.2 Exemple : le groupe euclidien agissant sur le plan I R2

Le groupe euclidien E(2) agit sur le plan affine M = I R2 par composition de translations et de rotations autour de l’origine (c’est un produit semi-direct du groupe des rotations U(1) par le groupe des translations I R2). Une carte (qui est d’ailleurs globale) de I R2 est définie par les coordonnées (x,y) relatives à un repère du plan. L’action du groupe euclidien s’écrit

         (  )    (  ′                     )
(θ,a, b) ⋅ x  =   x ′= x cosθ - y sin θ + a
           y       y = x sin θ + y cosθ + b
Noter qu’un élément g du groupe euclidien peut s’écrire à l’aide de la carte g (θ,a,b) I R3 ; G est un groupe de Lie de dimension 3. La différentielle de l’application
                           (   )
            LP          ′    x′
g = (θ,a,b) ↦-→  gP =  P  =   y′
s’écrit
               (                      )
                 ∂x′∕∂θ ∂x ′∕∂a  ∂x′∕∂b
[dLP ]g= (θ,a,b) =     ′       ′      ′
                 ∂y ∕∂θ ∂y ∕∂a  ∂y ∕∂b
En prenant g = e = (0, 0, 0), il vient [dLP ]e = (  y  1 0)

  - x 0 1 . Grâce à l’utilisation de quelques abus de notations évidents, nous voyons que

2.4.3 Un cas particulier fondamental : le groupe G agissant sur lui-même par translations à gauche et à droite

A titre d’exercice (ou d’illustration), vérifions ces propriétés générales dans le cadre de SL(2, lC).

Les générateurs (représentation fondamentale) sont donnés par

X+ = (  0 1 )

   0 0 ,X- = ( 0 0)

  1 0 ,X3 = ( 1  0 )

  0 - 1

les actions à droite et à gauche sont données par :

X+( a b)

  c d = ( c d)

  0 0 , ( a b)

  c dX+ = ( 0 a)

  0 c
X-(    )
  a b
  c d = (    )
  0 0
  a b , (    )
  a b
  c dX- = (    )
  b 0
  d 0
X3(    )
  a b
  c d = (       )
   a  b
  - c - d,(    )
  a b
  c dX3 = (      )
  a - b
  c - d

Notez que les générateurs X± et X3 agissent par dérivations. En effet, les actions classiques (droite et gauche) ci-dessus peuvent aussi être écrites à l’aide des opérateurs différentiels suivants :

X+L = c _ ∂a + d _ ∂b , X+R = a _ ∂b + c _ ∂d
X-L = a _ ∂c + b _ ∂d , X-R = b _ ∂a + d _ ∂c
X3L = a _ ∂a + b _ ∂b - c _ ∂c - d _ ∂d,X3R = a _ ∂a - b _ ∂b + c _ ∂c - d _ ∂d

Il est alors facile de vérifier explicitement que, par exemple,

[X3, X+-] = +2X+,-   [XR3 ,XR+] = +2XR+,  [XL3,XL+ ] = - 2XR+

2.4.4 L’action adjointe de G

Le groupe G agit sur lui-même par multiplications à droite et à gauche, comme nous l’avons vu plus haut, mais également par l’application adjointe. Soit g un élément de G, on définit :

Adg  :   k ∈ G →  Adg (k ) = gkg-1 ∈ G
Cette action n’est pas fidèle en général car les éléments du centre C n’agissent pas. Le groupe G|C qu’on désigne sous le nom de groupe adjoint ou groupe des automorphismes intérieurs agit, bien sur, de façon fidèle. L’application tangente à Adg, au point k, envoie T(G,k) dans T(G,gkg-1). Si on prend alors k = e (l’élément neutre), on voit que l’application tangente, notée adg = (d(Adg))k=e envoie T(G,e) dans T(G,gg-1 = e), c’est à dire Lie(G) dans Lie(G). Posant k(t) = etX, on voit que ad g(X) = d dt(getXg-1) |t=0 et donc
adg(X ) = gXg -1

2.4.5 Exemple : l’algèbre de Lie du groupe euclidien

Nous avons déjà fait agir le groupe euclidien G (éléments g = (θ,a,b)) sur l’espace affine I R2. Nous allons maintenant faire agir G sur lui-même, à droite.

Soit P G. On considère l’application

(    RP         )
  G ↦- →  M  = G
  g ↦-→  Q  = P g
ce qui, avec des coordonnées, s’écrit
(θQ,aQ, bQ ) = (θP,aP, bP )(θg,ag,bg)
soit, explicitement

(  )     (                 )  (   )
  θ        1    0     0  θ      θ
| a|     | 0  cosθ  sinθ a |  | a |
|(  |)   = |(                 |)  |(   |)
  b        0 - sinθ cos θ b     b
  1  Q     0    0     0  1   P  1   g
La différentielle de RP , c’est à direl’application tangente est égale à
        ( ∂θQ ∂θQ ∂θQ )
        | ∂θg ∂ag  ∂bg |
dRP  =  ( ∂∂aθQg-∂∂aaQg-∂a∂Qbg-)
          ∂bQ ∂bQ ∂bQ
          ∂θg ∂ag  ∂bg
On choisit, comme base de T(G,e) la base Xθ(e) = ∂-
∂θ, Xa(e) = ∂-
∂a, Xb(e) = ∂-
∂b.

On calcule dRP (  )
  1
( 0)
  0 = (  )
  1
( 0)
  0 , dRP (   )
  0
( 1 )
  0 = (        )
     0
(  cos θ )
  -  sin θ , dRP (  )
  0
( 0)
  1 = (     )
    0
( sinθ)
  cosθ .

La base correspondante de LieG ΓG(TG) est donc

X  (P ) = ∂-,X  (P ) = cosθ-∂- - sin θ-∂-etX (P ) = sin θ-∂-+  cosθ-∂-
  θ       ∂θ   a           ∂a        ∂b    b           ∂a        ∂b

Nous laissons au lecteur le soin de vérifier les relations de commutation

[X θ,Xa ] = - Xb,     [Xθ,Xb ] = +Xa       et     [Xa, Xb ] = 0

2.4.6 Exemple : champs invariants sur SU(2)

Le groupe SU(2) est difféomorphe à la sphère S3. Pour le voir, il suffit d’écrire un élément g de SU(2) comme une matrice (        )
   α   β
  - β * α * , obéissant à la condition g = g-1. Alors, detgg = 1, c’est à dire

   2         2        2         2
Re (α ) + Im (α ) + Re (β) + Im  (β) = 1
On obtient ainsi l’équation cartésienne d’une 3-sphère. On peut donc se représenter visuellement SU(2) comme une sphère dotée d’une structure multiplicative (non commutative d’ailleurs). Attention, il ne faudrait pas se laisser abuser par cet exemple : seules les sphères S0 = Z Z 2, S1 = U(1) et S3 = SU(2) sont des groupes (et S7 est “presque” un groupe). Ces particularités des dimensions 0, 1, 3, 7 sont liées à l’existence des algèbres de division suivantes : les corps I R (les réels), lC (les complexes), I H (les quaternions) et les octaves de Cayley (octonions) O.

Revenons à la sphère S3 qu’on peut donc identifier avec le groupe de Lie SU(2). Posons Xi = i∕2σi, où les σi sont les matrices de Pauli (section 2.2.2). On peut paramétriser un point quelconque g par trois angles d’Euler ψ,θ,ϕ en écrivant

g = R3 (ψ)R1 (θ )R3 (ϕ),  0 < ψ  ≤ 4π,0 <  θ ≤ π,0 ≤ ϕ ≤  2π
Ri(x) = exp(tXi) est une rotation d’angle x autour de l’axe i. On considère, dans SU(2) les courbes obtenues par translation à droite, Di(t) = gRi(t) et nous notons XiR(g) les champs fondamentaux à droite correspondants (les champs invariants à gauche). En terme du repère naturel associé aux coordonnées d’Euler, on obtient le repère mobile :
(     )      (  ∂ )
  XR1           ∂θ-
( XR2 ) =  N ( ∂∂ψ-)
  XR           -∂
    3          ∂ϕ
avec
     (                        )
       cosϕ   sinϕ- - sin ϕ cotθ
     (       -si cnoθsϕ            )
N  =   sinϕ   sinθ   cosϕ cotθ
         0     0        1
Les relations de commutation s’écrivent
[XR1 ,XR2 ] = - XR3  etc
Le corepère mobile correspondant {XiR} (le dual du repère mobile {X iR}) est donné par
(X1R, X2R, X3R ) = (dθ,dψ, dϕ)N -1

On peut aussi considérer les courbes Gi(t) = Ri(t)g obtenues par translation à gauche. L’expression des champs de vecteurs invariants à droite XiL (et des formes correspondantes XiL) s’exprime à l’aide des formules précédentes en interchangeant simplement partout les coordonnées ϕ et ψ. Les relations de commutation s’écrivent alors

[XL1 ,XL2 ] = +XL3   etc
et on vérifie que
  R    L
[X i ,Xj ] = 0

2.4.7 Une remarque sur les constantes de structure

Soit G un groupe de Lie et choisissons une base Xα dans son algèbre de Lie, ensemble que nous identifions, en tant qu’espace vectoriel, avec l’espace tangent T(G,e). Les vecteurs Xα déterminent, comme nous l’avons vu, des champs de vecteurs invariants à gauche Xα(). L’espace de ces champs de vecteurs étant, comme on le sait, de dimension finie et étant lui-même identifiable à l’algèbre de Lie de G, on peut écrire, en tout point P de G,

[X α(⋅),X β(⋅)](P) = fαγβ(P )X γ(P)
On voit qu’on a ainsi obtenu un repère mobile global (les {Xα(P)}) pour lequel les fonctions de structure sont les fαβγ(P). En fait, ces f αβγ(P) sont des constantes : elles ne dépendent pas de P G. Ceci résulte du fait que le commutateur de deux champs invariants à gauche est lui-même un champ invariant à gauche.

Rappelons que, pour une variété différentiable quelconque, les fonctions de structure d’un repère mobile dépendent généralement du point où elles sont évaluées ; par contre, on voit ici que, lorsque cette variété est un groupe de Lie et que le repère mobile choisi est un champ de vecteurs invariant à gauche, ces fonctions de structure fαβγ sont des constantes de structure : elles ne dépendent que de la base choisie dans T(G,e) et non du point P où elles sont calculées.

En utilisant des champs invariants à droite, on pourrait mener une discussion analogue, c’est à dire, en particulier, associer à toute base {Xα} de T(G,e) un repère mobile global constitué de champs invariants à droite XL(g) = Xg et obtenir des constantes de structure gαβγ = -f αβγ.

2.4.8 La forme de Maurer-Cartan