On considère la situation où nous avons deux fibrés principaux Q(M,H) et P(M,G) avec H ⊂ G et f, un difféomorphisme de Q sur f(Q) ⊂ P tel que ∀z ∈ Q,∀s ∈ H,f(zs) = f(z)s. En pratique il s’agira souvent d’une inclusion Q ⊂ P, f n’étant autre que l’identité.
Dans une telle situation, on dit que P est un élargissement (ou un prolongement) de Q et que Q est une réduction de P.
Comme nous allons le voir, il est toujours possible d’élargir mais il n’est pas nécessairement possible de réduire.
Soit Q = Q(M,H) un fibré principal. On veut “agrandir” le fibré Q sans modifier la base M mais en agrandissant la fibre, c’est à dire en remplaçant le groupe de Lie H par un groupe G “plus grand”. La construction est la suivante : on se choisit un groupe de Lie G tel que H ⊂ G et on construit le fibré P associé à Q défini par P = Q ×HG où H agit sur G par multiplication à gauche. Les actions de H à droite de Q et à gauche de G s’annihilent, mais il est évident que l’espace P = P(M,G) est un G-fibré principal puisque G agit à droite de P via (z.k)k′ = z.kk′, avec z ∈ Q et k,k′∈ G. Par ailleurs, le difféomorphisme de Q sur f(Q) recherché est défini, pour z ∈ Q, par f(z) = z.e (e désignant l’élément neutre de G) et on notera simplement f(z) = z.
En conclusion, le passage de Q(M,H) à P(M,G) avec H ⊂ G est toujours possible. On dit que P est obtenu à partir de Q par élargissement du groupe structural et que Q lui-même est une réduction de P. Notons que les représentations de G sont toujours des représentations de H, mais que le contraire n’est pas nécessairement vrai (ainsi, il faut, en général, prendre la somme directe de plusieurs représentations de H pour construire une représentation de G) ; les fibrés associés à Q ne sont donc pas forcément toujours des fibrés associés à un élargissement P.
Soit P = P(M,G) un fibré principal. On veut diminuer la taille de P sans modifier la base M mais en “raccourcissant” la fibre, c’est à dire en remplaçant G par un groupe “plus petit”. En d’autres termes, si on considère les éléments de P comme des repères généralisés, on veut s’intéresser uniquement à une sous-classe particulière de repères, sous-classe qui soit stable sous l’action d’un sous-groupe H de G. La méthode du paragraphe précédent ne s’applique pas car le groupe H(⊂ G) n’est pas stable lorsqu’on le multiplie à gauche par des éléments de G.
Enonçons (et retenons) le résultat suivant que nous démontrerons un peu plus bas :
Le choix d’une réduction du fibré principal P = P(M,G) à un sous-fibré Q = Q(M,H) de groupe structural H, lorsqu’il existe, n’est pas en général unique, et est caractérisé par le choix d’une section globale dans un fibré en espaces homogènes associé à P, en l’occurrence le fibré associé P ×GG∕H.
Ce théorème est d’une importance fondamentale car il permet, comme nous allons le voir, de donner un sens précis à l’idée intuitive de “choix d’une géométrie” pour la variété différentiable M.
Preuve. Soit σ une section globale de E = PmodH. Un théorème
précédemment discuté (voir les diverses manières de considérer les
sections de fibré associé) nous dit qu’on peut associer à σ une
application du fibré principal P dans la fibre type G∕H, qui soit
équivariante (
(ys) = s-1
(y)). Définissons Q =
-1(eH) ⊂ P.
La projection π : Q
M n’est autre, par définition, que la restriction
à Q de la projection π de P. Considérons deux points y1 et y2 de la
même fibre de Q, c’est à dire π(y1) = π(y2) ; nous savons qu’il existe
s ∈ Gtel quey2 = y1s. Nous allons montrer qu’en fait, cet élément s
appartient au sous-groupe H. En effet,
L’idée est essentiellement la même que dans l’exemple précédent, à ceci près que M est supposé être de dimension paire et qu’on choisit maintenant une réduction du fibré des repères linéaires à un sous-fibré dont le groupe orthogonal doit être SU(n). Les variétés pour lesquelles on a effectué un tel choix se nomment variétés presque-complexes et l’analogue de la métrique est ici la donnée, en chaque espace tangent T(M,x) d’un endomorphisme j de carré égal à -1. Cet opérateur peut encore s’identifier à une section globale d’un fibré en espaces homogènes GL(2n, I R)∕GL(n, lC). Le lecteur peut sans doute se demander pourquoi on parle ici de variétés presque-complexes et non, tout simplement, de variétés complexes. Il se trouve que ces deux notions sont de nature assez différentes (et la terminologie est désormais consacrée) : la notion de structure presque-complexe est, comme on vient de le voir, analogue à la notion de structure riemannienne et est associée au choix d’une réduction du fibré des repères pour une variété différentiable ; la notion de structure complexe est, quant à elle, analogue à la notion de structure de variété topologique, de variété linéaire par morceaux ou analogue à la notion de structure différentiable elle-même (on choisit des cartes à valeur dans lCn et non plus dans I Rn et on impose aux fonctions de transitions d’être holomorphes). Nous n’aurons pas le loisir, dans cet ouvrage, d’étudier la géométrie des variétés complexes ; notons simplement que la terminologie vient du fait qu’une variété complexe donnée fournit une variété différentiable qui se trouve automatiquement munie d’une structure presque-complexe (l’endomorphisme j de carré égal à -1 provenant tout simplement de la multiplication par le nombre complexe i). Le passage inverse, celui d’une structure presque-complexe à une structure complexe, n’est pas automatique car il nécessite la vérification d’une certaine condition d’intégrabilité.
On peut aussi parler de variétés presque-hermitiennes lorsque la réduction du groupe structural va de GL(2n, I R) à U(n) = O(2n) ∩ GL(n, lC). Dans ce cas, il existe une métrique h compatible avec la structure presque-complexe, en ce sens que h(v1,v2) = h(jv1,jv2). On peut alors construire une forme hermitienne H(v1,v2) = 1 2(h(v1,v2)- ih(jv1,v2)) et une forme presque-Kählerienne ω(v1,v2) = h(jv1,v2).
L’histoire est la même que dans le cas précédent et les commentaires sont analogues. La section globale du fibré en espaces homogènes GL(4n, I R)∕Sp(n) caractérisant la réduction peut s’identifier à la donnée, en chaque espace tangent T(M,x) de trois opérateurs j1, j2, j3, tous trois de carré égal à moins l’identité, et satisfaisant aux relations j1j2 = -j2j1 = j3, j2j3 = -j3j2 = j1 et j3j1 = -j1j3 = j2. La raison du “presque” dans le presque-quaternionique est analogue celle donnée dans le paragraphe précédent à condition toutefois de remplacer nombres complexes par quaternions. Ici Sp(n) désigne le groupe compact des unitaires quaternioniques, quelquefois désigné par U(n, I H). Nous n’aurons pas le loisir de revenir sur ce sujet dans le cadre de cet ouvrage.
Avant de quitter cette partie consacrée aux réductions de fibrés principaux, notons que les représentations d’un groupe G sont aussi des représentations de tout sous-groupe H de G. Ainsi donc, les fibrés associés à P(M,G) sont aussi associés à tout sous-fibré Q(M,H) avec H ⊂ G. Il est rassurant de savoir que le fibré tangent TM défini à partir du fibré des repères linéaires FM coïncide avec celui qu’on peut définir à partir du fibré OFM des repères orthonormés !