4.2 Connexions dans les fibrés vectoriels associés

4.2.1 Matrice de connexion Aji, coefficients de connexion A i

Soit A = AμαX αdxμ le potentiel de jauge définissant une forme de connexion ω sur le fibré principal P = P(M,G) et soit E = P ×ρV un fibré vectoriel associé à P via la représentation ρ sur l’espace vectoriel V de dimension p. En utilisant la représentation ρ nous allons représenter le potentiel de jauge lui-même et obtenir ainsi une notion de connexion pour tout fibré vectoriel associé. Soit {Xα}α∈{1,dim(G)}, une base de 𝔤. Nous désignerons encore par ρ la représentation de 𝔤 correspondant à celle de G ; ainsi ρ(Xα) = (ρ(Xα)ji) est une matrice p × p décrivant un endomorphisme de l’espace vectoriel V .

Dans ce paragraphe nous noterons :

μ,ν,ρ les indices de base (variété M de dimension d)

i,j,k les indices de fibre (espace vectoriel V de dimension p)

α,β,γ les indices d’algèbre de Lie (LieG de dimension n)

L’image ρ(A) du potentiel de jauge par la représentation ρ s’appelle la matrice de connexion

|--------------------|
|ρ(A ) = Aαμ ρ(Xα )dx μ|
----------------------
et ses éléments sont les quantités
ρ(A )ij = Aα(ρ(X α))ij
avec
A α = Aα dxμ
       μ

La représentation ρ étant choisie une fois pour toutes (le fibré vectoriel E étant choisi) on peut omettre le symbole ρ lui-même, et si nous posons

|-----------|
T-α =-ρ(X-α)-
alors
  i     α    i
A j = A  (Tα)j

Ses éléments de matrice sont des 1-forme puisque

|-----------------------------------|
Aij = Aijμdx μ  avec  Aijμ = A αμ(Tα)ij|
-------------------------------------

Les nombres Ai sont les coefficients de connexion . Revenons une fois de plus sur ces problèmes de notations, de terminologie et d’habitudes : les physiciens des particules utilisent les Aμα, les spécialistes de la gravitation préfèrent les A i (la relation précédente permettant de faire le lien entre les deux) ; ces derniers ont d’ailleurs l’habitude de noter Γ (plutôt que A) les coefficients de connexion, ils utilisent donc des Γi, les indices ji étant les indices de fibre et μ l’indice de forme. Là où les choses se compliquent, c’est que le fibré E peut désigner le fibré tangent TM et que, dans ce cas, les indices de fibre peuvent appartenir au même jeu d’indices que les indices de forme (on a donc des objets Γρμν) mais il faut toujours se rappeler qui est qui. Les conventions, comme d’habitude, n’étant pas universelles, le lecteur est prié de se rappeler que, pour nous, l’indice de base c’est à dire encore l’indice de forme (noté μ ci-dessus) est situé en bas, et en dernière position. Nous reviendrons un peu plus loin sur le cas particulier E = TM (connexions linéaires). En attendant, il convient de se rappeler que, dans la notation Ai, l’indice μ se réfère au choix d’un repère naturel associé à une carte (eμ = __ ∂xμ) ou d’un repère mobile quelconque ([eμ,eν] = fμνρe ρ) et que les indices i,j se réfèrent au choix d’une base (ei(x)) dans la fibre de E située au point x de M.

4.2.2 Différentielle covariante des sections , dérivée covariante μ, parallélisme

La différentielle covariante

|---------------------------------------|
|∇ : Γ (E) → Ω1(M, E ) = Γ (E ) ⊗ Ω1(M  )|
-----------------------------------------
transforme les sections de E en sections–1–formes et vérifie, par définition, la propriété
|-------------------------|
-∇-(vf)-=-(∇v-)f-+-v-⊗-df-|
pour toute section v de E et toute fonction f définie 1 sur M. L’opérateur sera donc connu dès qu’on connaîtra la valeur de ei où les ei : x M ei(x) E désignent p sections indépendantes dans un voisinage de x ; l’ensemble {ei(x)} est donc une base de l’espace vectoriel Ex. On pose (voir aussi la discussion 4.2.3)
|-----------|
|∇ei = ejAj |
-----------i-
où les Aij sont les éléments de la matrice de connexion (par rapport au même choix de base). Soit v une section quelconque de E, ainsi v = ejvj où les vj –les composantes de v suivant la base {ej}– sont des fonctions sur M. On obtient donc

∇v  = ∇ (ejvj) = (∇ej )vj + ejdvj
    = e Aivj + e dvi = e(Ai vj + dvi)
       i j      i       i  j
    = ei(Aijμvj + ∂μvi)dxμ

Une section v est dite parallèle (ou transportée par parallélisme) lorsque v = 0

Puisque v possède un indice de forme (c’est un élément de Γ(E) Ω1(M)), on peut l’évaluer sur les vecteurs tangents. Soit ξ = ξμ μ un vecteur tangent. La dérivée covariante de v dans la direction ξ se note ξv et s’obtient en évaluant v sur ξ :

                      i  j    i    μ  ν
∇ ξv = ⟨∇v, ξ⟩ = ⟨ei(Ajμv  + v,μ)dx  ,ξ ∂ν⟩
     = ei(Aijμvj + vi,μ)ξμ

Notons que ξv, ainsi que v, est une section de E alors que v est une section-1-forme. On note souvent v;μi les composantes de μv = __ ∂xμ v par rapport au repère {ei} de la fibre :

|---------------------------------------------|
|         i                   i     i     i  j|
∇-μv-=-eiv;μ =-⟨∇v,-∂μ⟩-avec-v;μ =-v,μ-+-A-jμv--
Remarque : l’opérateur que nous appelons “différentielle covariante” est parfois désigné, dans certains ouvrages, sous le nom d’ “opérateur de dérivée covariante”.

4.2.3 Remarques concernant les notations

Mise en garde concernant la notation μ

Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que la moitié des physiciens n’utilisent que des objets “indexés”. Ces derniers ne considèrent jamais ni v ni μv mais seulement leurs composantes vi et v ;μi. Cette habitude n’entraîne généralement aucune confusion. Par contre, cela devient un problème si on décide, simultanément, d’utiliser également la notation μ et de décider que μvi est un synonyme de v ;μi. Nous estimons qu’il s’agit là d’un abus de notations particulièrement dangereux pouvant facilement conduire à des erreurs. En effet, vi est une composante de v, c’est à dire une fonction de x ; sa dérivée covariante existe bien, mais, puisqu’il s’agit d’une simple fonction, elle est égale à sa dérivée ordinaire, ainsi μvi = μvi = v i, ce qui n’est pas du tout égal à v ;μi. Si le lecteur ne souhaite pas manipuler des objets comme v ou μv mais seulement leurs composantes, nous lui suggérons très fortement de se contenter de la notation “point-virgule”.

Remarque sur les produits tensoriels

Lors de la définition de ei = ejAij en 4.2.2, le lecteur a pu être surpris de l’absence du signe de produit tensoriel entre le vecteur ej qui est une section locale du fibré vectoriel considéré et la 1-forme Aij qui est une section locale du fibré cotangent T*M (puisque A ij = A jdxμ).

Un peu plus loin, le lecteur a pu être de nouveau surpris, lors du calcul de v et de ξv, car nous avons allègrement commuté les formes sur M (par exemple eμ = dxμ) et les sections de E (les e i).

Mis à part le fait qu’il existe un isomorphisme canonique entre Γ(E) Ω1(M) et Ω1(M) Γ(E) et que le produit tensoriel utilisé est un produit au dessus de C(M) et non au dessus de I R, les manipulations précédentes, sur lesquelles nous ne nous étendrons pas, sont justifiées par le fait qu’il est possible de remplacer, dans la plupart des calculs de géométrie différentielle, l’algèbre commutative C(M) par l’algèbre commutative graduée Ω(M).

Les espaces E et T*M étant, en général bien distincts, nous décidons d’identifier par exemple dxμe i ej et ei ejdxμ et nous n’utiliserons pas de symbole de produit tensoriel entre les p-formes sur M et les sections de E, traitant ainsi les dxμ comme des fonctions. Par ailleurs nous écrirons toujours les formes “en dernier”.

Cette identification nous permet d’écrire aussi bien

∇ (v ⊗ w ) = ∇(v) ⊗ w +  v ⊗ ∇ (w )
que
∇ μ(v ⊗ w ) = ∇ μ(v) ⊗ w + v ⊗ ∇ μ(w )
Les auteurs s’interdisant d’effectuer cette identification (pourtant sans danger !) imposent la règle de Leibniz pour μ mais ne peuvent pas l’imposer pour .

Il existe cependant un cas particulier où il existe une confusion possible entre les fibrés E et T*M, c’est précisément le cas où on choisit E = T*M. Dans ce cas, il faut se rappeler “qui est qui”, c’est à dire quels sont les indices de forme et quels sont les indices de fibre. Cette possible identification permet en fait d’enrichir la théorie. Nous y reviendrons.

4.2.4 Loi de transformation des coefficients de connexion

Soient e = (ei) et e = (e i) deux repères dans les fibres. L’un s’obtient à partir de l’autre par une transformation linéaire Λ :

 ′       j
ei′ = ejΛ i′
où Λij est la matrice de changement de repère (on écrira simplement e = e.Λ) et soient A ji et A ji les matrices de connexion correspondantes. On a
   ′   ′ ′        ′
∇e  = e A  = e.ΛA
c’est à dire
∇ (e.Λ) = (∇e ).Λ +  e.dΛ  = eA Λ + edΛ
et donc
A ′ = Λ-1A Λ + Λ -1dΛ
Si on écrit explicitement les indices, on a
A′i′  = (Λ -1)i′Ak Λl +  (Λ-1)i′∂  Λk
  j′μ         k lμ  j′        k μ  j′
Cette relation traduit simplement l’équivariance de la forme de connexion ω. On dit quelquefois (terminologie un tantinet archaïque) que Ai “ne se transforme pas comme un tenseur” les indices i,j d’une part et μ d’autre part étant de nature différente, cette remarque n’est pas trop surprenante ! Notons que, dans la relation précédente, nous avons transformé le repère “interne” ei (base de la fibre) mais pas le repère “externe” eμ = __ ∂xμ (base de T(M,x)) ; on pourrait aussi changer de base dans T(M,x) et poser eμ = eμLμμ.

On obtient alors immédiatement

  i′             ′                  ′
A ′j′μ′ = L μμ′(Λ -1)ikAklμΛlj′ + Lμμ′(Λ- 1)ik ∂μΛkj′

4.2.5 Dérivation covariante des sections du fibré dual

Après avoir défini sur les sections de E grâce à la relation ei = ejAij, {ei(x)} désignant une base de la fibre au point x, nous considérons le fibré dual E* et l’action de sur ses sections. Désignons respectivement par σ et v une forme différentielle et un champ de vecteurs, on aura : ∇⟨σ,v= ⟨∇σ,v+ σ,v. Notons {ei(x)} la base duale au point x ; alors ej,e i= δji.

La quantité δji est une fonction constante, et donc δ ji = 0. On impose

⟨∇ej, ei⟩ + ⟨ej,∇ei⟩ = ∇ δij = 0
Cette relation conduit à poser
|-------------|
∇ej  = - Aikek|
---------------
Vérifions que c’est bien le cas
    j                        j      j         j    j
⟨- A kek,ei⟩ + ⟨ej,ekAki⟩ = - Akδki + δkAki = - A i + Ai = 0
On aura donc un signe - lorsqu’on “corrige” un indice covariant.

4.2.6 Dérivation covariante dans les puissances tensorielles d’un fibré vectoriel

Notre but est ici d’étudier la dérivation covariante des éléments de Ep (E*)q.

Considérons le fibré vectoriel E E, c’est un fibré associé comme un autre... Ses éléments peuvent s’écrire

           ij
t = ei ⊗ ejt
Si X LieG agit via la représentation ρ : X LieG↦→ρ(x) EndV sur l’espace vectoriel V , il agit via ρ(x) 1 + 1 ρ(x) sur l’espace vectoriel V V , d’où il s’ensuit que l’opérateur vérifie la propriété
∇(v1 ⊗ v2) = ∇ (v1) ⊗ v2 + v1 ⊗ (∇v2 )
Le lecteur ayant quelques notions sur les algèbres de Hopf aura reconnu la relation directe existant entre la règle de Leibniz pour et le coproduit standard sur l’algèbre enveloppante de LieG.

On écrira par exemple, pour t = ei ejtij,

∇t  = (∇ei ) ⊗ ejtij + ei ⊗ (∇ej )tij + ei ⊗ ejdtij
    = Ak e ⊗  e tij + e ⊗ Ak e tij + e ⊗ e dtij
        i k    j      i    j k      i   j
    = ei ⊗ ejti;jμdxμ
tij=  tij + Ai tkj + Aj tik
 ;μ    ,μ    kμ       kμ
Le lecteur n’aura aucun mal à généraliser cette dernière formule à des situations plus générales ; mnémotechniquement la dérivation covariante dans la direction μ s’obtient en rajoutant à la dérivée ordinaire (le premier terme dans l’expression ci-dessus) un terme de type ” A.t ” pour chaque indice de fibre (on “corrige” chaque indice en le remplaçant par un indice muet sur lequel on somme). Attention : si les indices de fibre sont en bas, il faut utiliser un signe moins (voir l’explication dans la sous-section précédente).

Voici un dernier exemple : Soit t E E E*,

|-----------------|
t = ei ⊗ ej ⊗ ektij
----------------k--
alors t E E E*Ω1(M),
                k ij    μ
∇t  = ei ⊗ ej ⊗ e tk;μdx
avec
|-----------------------------------|
|tijk;μ = tikj,μ + Ailμtlkj+ Ajlμtikl- tilj Alkμ |
------------------------------------
Le premier terme tk,μij est défini comme __ ∂xμ[tkij] si on travaille dans repère naturel, mais il doit être compris comme eμ[tkij] si on utilise un repère mobile quelconque, et, dans ce cas, on a
|------------------ij--μ-|
-∇t-=--ei ⊗-ej ⊗-ektk;μe-|
{eμ} désigne le co-repère mobile dual.

La dérivée covariante d’un tenseur quelconque t = ei ejek elt klij dans la direction du champ de vecteurs eμ est définie par

|-------------------------------------------------|
|∇μt(...) = ∇t(...,eμ) = ei ⊗ ej ...ek ⊗ el...tijk..l....μ|
---------------------------------------------------

4.2.7 L’opérateur D

On introduit le symbole D sur l’exemple suivant : prenons

t = ei ⊗ ej ⊗ ek  tikj
On pose
|---------------k-----ij|
∇t--=-ei ⊗-ej ⊗-e---Dtk--
ainsi
|---ij----ij----|
|Dt k = tk;μeμ |
--------------

Il faut bien voir que tkij est ici considéré comme une zéro-forme sur le fibré principal P à valeurs dans un espace vectoriel (la fibre type du fibré vectoriel approprié).

Il est facile de généraliser cette notation Dtkij au cas où l’objet considéré n’est pas une 0-forme à valeurs dans un espace vectoriel mais une p-forme à valeurs dans un espace vectoriel.

Il n’existe pas de de convention d’écriture qui soit universelle, pour désigner cet opérateur. Certains auteurs, par exemple, le notent d(gras). Même remarque d’ailleurs pour l’opérateur de différentielle extérieure covariante d défini ci-dessous, que certains auteurs notent souvent D !

4.2.8 Différentielle extérieure covariante d

Définition

Soit E = E(M,F) un fibré vectoriel ; on a défini comme un opérateur : ΓE↦→ΓE Ω1(M) ; on définit maintenant d comme l’unique opérateur prolongeant comme dérivation graduée de l’algèbre pE Ωp(M). Ainsi donc

|-------------------------------|
d ∇ : Γ E ⊗ Ωp(M ) ↦→ Γ E ⊗ Ωp+1 |
---------------------------------
satisfait la propriété
|-------------------------------------|
d∇ (ψ ∧ λ) = d∇ (ψ) ∧ λ + (- 1)kψ ∧ dλ |
---------------------------------------
lorsque ψ ΓE Ωk(M) et λ Ωs(M). Les éléments de Ωp(M,E) = ΓE Ωp(M) sont appelés p-formes sur M à valeurs dans le fibré vectoriel E ou, plus simplement “tenseurs-p-formes”. Lorsque p = 0, les deux opérateurs d et coïncident.

Le lecteur peut, à juste titre, se demander pourquoi nous distinguons les deux notations d et . La raison en est la suivante : nous réservons la notation au cas où l’on agit sur une 0-forme. En effet, il est des cas où un objet mathématique donné peut être considéré soit comme une p-forme à valeurs dans un certain fibré, soit comme une 0-forme à valeurs dans un fibré différent. Ecrire ω signifie (pour nous) “ω est une 0-forme à valeurs dans un certain fibré vectoriel (c’est à dire une section de ce dernier) et nous calculons sa différentielle extérieure covariante, qui est donc une 1-forme à valeurs dans le même fibré”. Cette distinction que nous opérons, au niveau des notations, permet d’éviter des confusions possibles, en particulier lorsque le fibré E peut désigner le fibré tangent, son dual, ou une puissance tensorielle de ces derniers.

Les opérateurs D et d

Complément concernant la notation D introduite plus haut :

Si V est, par exemple, un élément de Γ(E E*E*)Ω2(M) = Ω2(M,E E*E*), c’est à dire

|-----------------------------|
V  = ei ⊗ ej ⊗ ek 1Vjikμνeμ ∧ eν
-----------------2!-------------
on écrira simplement
|-------------------|
|          j    k i |
-V-=-ei-⊗-e-⊗-e-V-jk-
en ne faisant pas apparaître explicitement les indices de forme. On utilisera également la notation D introduite précédemment en écrivant
|-----------------------|
d∇V  =  ei ⊗ ej ⊗ ekDV jik
-------------------------
avec
|---------------------------------------------|
|DV jik = dVjik + Ail ∧ Vjlk - Alj ∧ Vilk - Alk ∧ V ijl
----------------------------------------------

En effet :

d∇V  = d∇ (e ⊗ ej ⊗ ek) ∧ V i + e ⊗ ej ⊗ ekdV i
            i             jk    i            jk

d∇(ei ⊗ ej ⊗ ek) = ∇ (ei) ⊗ ej ⊗ ek + ei ⊗ ∇ (ej) ⊗ ek + ei ⊗ ej ⊗ ∇ (ek )
                    l     j    k         j l   k        j     k l
                = A iel ⊗ e ⊗ e -  ei ⊗ A le ⊗ e - ei ⊗ e ⊗ A le
On obtient donc l’expression donnée plus haut pour les composantes DV kij de dV . Le lecteur généralisera sans peine l’expression donnée pour DV jki à un tenseur-p-forme de rang quelconque.

Autre exemple

 

A titre d’exercice, calculons du u est un élément de ΓE Ω1(M). On choisit un repère (ei) dans ΓE et un repère (eμ) dans Ω1(M) il peut s’agir d’un corepère naturel par rapport à une carte (eμ = dxμ) ou d’un corepère mobile quelconque eμ avec deμ = -1 2fνρμeν eρ. On écrit donc u = e iui μeμ. L’ordre des symboles n’a pas trop d’importance —tout au moins en géométrie commutative !— mais nous suggérons fortement au lecteur d’adopter cette écriture, c’est à dire l’ordre 1)2)3) avec 1), un élément de ΓE, 2), un coefficient, c’est à dire un élément de l’algèbre (commutative) C(M) des fonctions sur M, et 3), une p-forme. Le lecteur aura sans doute également noté que, conformément à nos habitudes, nous avons omis d’écrire explicitement le symbole du produit tensoriel entre les sections de E (les ei) et les p-formes (ici, les eμ).

La première méthode permettant de calculer du est d’utiliser la règle de dérivation généralisée qui définit l’opérateur d :

d∇u  = d∇ (eiuiμ) ∧ eμ + eiuiμdeμ
              i   μ       i    μ      i  μ
     = (∇ei )u μ ∧ e + eiduμ ∧ e  + eiu μde
     = Aj e eνui ∧ eμ + e ui eν ∧ eμ + eui deμ
         iν j    μ        i μ,ν           i μ
Si eμ = dxμ, le troisième terme est nul. Par contre, si eμ est un corepère mobile avec fonctions de structure fνρμ, il vient (rappelons que u μ,νi = e ν[uμi]),

|---------------------------------------|
|                                       |
d∇u  = ej(ujμ,ν + Ajiνuiμ - ujρ12fνμρ)eν ∧ eμ|
|                                       |
|    = e (uj  -  uj1f  ρ)eν ∧ eμ        |
|       j  μ;ν    ρ2 νμ                 |
-----------------------------------------

La deuxième méthode pour calculer du n’est pas vraiment une méthode puisqu’elle revient à utiliser une formule générale. Posons u = eiui en ne faisant pas apparaître explicitement l’indice de forme dans l’expression de u, bien que ui = u μieμ. On écrit immédiatement (voir l’expression “modèle” de DV jki donnée précédemment)

|-------------|
|d∇u =  ejDuj  |
---------------
avec
|---j-----j-----j---l-|
-Du---=-du--+-A-l ∧-u-|
Le passage d’une expression de du à l’autre utilise les relations A lj = A jeμ et duj = d(u μjeμ) = (du μj) eμ + u μjdeμ.

Une forme extérieure de degré p à valeurs dans un fibré vectoriel E peut, bien sur, être évaluée sur p vecteurs v1,v2,,vp tangents à M. Par exemple, si u Ω1(M,E), en évaluant du Ω2(M,E) sur deux vecteurs v 1 et v2, on obtient

|∇--------------------------------------------|
d--u(v1,v2) =-∇v1u-(v2) --∇v2u-(v1) --u([v1,v2])

en effet,

 ∇                j     j1-   μ  ν   μ
d u(eσ,e τ) = ej(u μ;ν - uρ2 fνρ )e ∧ e (eσ,eτ)
                         1
           =  ej(ujμ;ν - ujρ--fνρμ)(δνσδτμ- δμσ δντ)
                         2
           =  ej(uj   - uj  - ejuj 1(fστρ - fτσρ))
                  τ;σ    σ;τ      ρ2
           =  ej((ujτ;σ - ujσ;τ) - ujρfστρ)

           =  ∇eσu (e τ) - ∇e τu(eσ) - u([eσ,eτ])

Plus généralement, si u Ωp(M,E),

 ∇                      p+1     i+1
d u (v1,v2,...,vp+1) = Σi=1(- 1)   ∇viu(v1,...,vˆi,...,vp+1) +
                       Σ1≤i≤j≤p+1(- 1)i+ju ([vi,vj],v1,...,ˆvi,...,ˆvj,...,vp+1)

Pour conclure cette section, nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que, malgré la notation utilisée, le carré de l’opérateur d n’est pas nul. C’est d’ailleurs la présence d’un second membre non nul dans l’équation (d)2 = F qui va nous permettre un peu plus loin de définir l’opérateur de courbure.

4.2.9 Différentielles et dérivées covariantes généralisées 

Remarques

La différentielle covariante σ d’un élément de ΓE est un élément de ΓE Ω1(M). En général, les fibrés E et TM sont distincts (sauf dans le cas particulier 4.4). Il n’empêche que Ω1(M) peut être considéré comme l’ensemble des sections de T*M, et, qu’en conséquence, cet élément σ, au lieu d’être considéré comme une 1-forme à valeurs dans le fibré vectoriel E peut être considéré comme une 0-forme à valeurs dans le fibré vectoriel T*M E, c’est à dire un élément de Γ(T*M E). Nous désignerons en général par le symbole Ωp(X,Y ) l’ensemble des p-formes sur X à valeurs dans Y . Avec ces notations, nous voyons qu’il est possible d’identifier Ω1(M,E) et Ω0(M,T*M E).

Jusqu’à présent, la connexion (le potentiel de jauge Aji = A idxμ) avait trait au fibré E, mais il peut se faire(et généralement il se fait) que T*M lui-même soit muni d’une connexion (un potentiel de jauge Γρν = Γ ρμνdxμ). Nous étudierons plus loin, et en détails, le cas particulier des connexions linéaires (du type Γρμν), mais dans le présent paragraphe, nous souhaitons seulement attirer l’attention du lecteur sur l’existence d’une ambiguïté (le fait qu’une 1-forme à valeurs dans un fibré puisse aussi être considérée comme une 0-forme à valeurs dans un fibré différent) et sur le fait que cette ambiguïté permet, en quelque sorte, d’enrichir la théorie. Reprenons l’exemple de σ Γ(E) ; on a u = dσ = σ Ω1(M) Γ(E). En tant que 1-forme à valeurs dans le fibré vectoriel E, nous pouvons faire appel à la théorie des différentielles extérieures covariantes et calculer du = (d)2σ, qui est un élément de Γ(E) Ω2(M). Cependant, en considérant u comme une 0-forme à valeurs dans le fibré T*M E, nous pouvons — dans la mesure où les deux fibrés E et T*M sont équipés de connexions — calculer la différentielle covariante u = ∇∇σ. Lorsque σ Γ(E), le calcul de σ ne fait appel qu’à la connexion Aji, mais celui de u (avec u = σ) fait appel simultanément à la connexion Aji sur E et à la connexion Γνμ sur T*M. Plus généralement, si u désigne un objet ayant un certain nombre (p,q) d’indices de type E (ou E*) et un certain nombre (p,q) d’indices de type TM (ou de type T*M), nous pouvons le considérer comme une 0-forme à valeurs dans TMp,qEp,q, et calculer u, qui sera un élément de Γ(TMp,qEp,q) Ω1(M). Nous pouvons aussi, dans le cas où u est antisymétrique en s indices de forme (s indices de type T*M), considérer u comme un élément de Γ(TMp,q′-s Ep,q) Ωs(M) et calculer sa différentielle extérieure covariante du qui sera un élément de Γ(TMp,q′-s Ep,q) Ωs+1(M). On imagine aisément la richesse des possibilités Au niveau des notations, nous adoptons la convention suivante : si on écrit u, c’est que u doit être considéré comme une 0-forme dans un fibré approprié (même si u = σ) ; par contre, si on écrit du, c’est que u doit être considéré comme une p-forme sur M et que d est une différentielle extérieure covariante. En d’autres termes, l’utilisation de d conduit toujours à des objets possédant une certaine antisymétrie, ce qui n’est pas le cas pour . Il est bien évident que ces notations sont insuffisantes pour couvrir tous les cas possibles, mais en général le contexte devrait permettre de préciser.

Exemple

Soit u = eiuμieμ ΓE Ω1(M). En tant que tenseur-1-forme, on écrira plutôt u = eiui sans faire apparaître explicitement l’indice de forme ; on a déjà calculé sa différentielle extérieure covariante

|-∇----------i----------2-----|
-d--u-=-eiDu--∈-Γ-E-⊗-Ω--(M-)-|
Par contre, en tant que 0-forme à valeurs dans le fibré T*M E, on fera explicitement apparaître tous les indices uμi, et, dans l’hypothèse où le fibré tangent est lui-aussi muni d’une connexion Γ, on pourra calculer la différentielle covariante
|-----------------------------|
|∇u  ∈ Γ (T *M ⊗ E ) ⊗ Ω1 (M )|
------------------------------
Il vient
|-----------------------------------|
|∇u  = ∇ (eμ ⊗ eiuiμ) = eμ ⊗ eiuiμ;νeν |
------------------------------------
|-i-----i------i--k-----ρ--i|
u-μ;ν-=-uμ,ν +-A-kνuμ---Γ-μνuρ
et uμ,νi = e ν[uμi]. En effet
∇u =  eμ ⊗ ei.duiμ + eμ ⊗ (∇ei ).uiμ + (∇e μ) ⊗ ei.uiμ

Par ailleurs,

∇u (e ,e  ) = eμ (e )e ui  eν(e ) = δμe ui δν = e ui
     α  β        α  i μ;ν    β     α i μ;ν β    i α;β
et donc u = eμu(e μ,eν)eν. On voit que βu = eμe iuμ;βi, par conséquent, βu(eα) = u(eα,eβ). Plus généralement
∇u (eα1,eα2,...,eαp+1) = ∇αp+1u(eα1,eα2,...,eαp)

Notons que, conformément à nos conventions, nous avons écrit les vecteurs de base (les eμe i eμ e i) à gauche des composantes (les uμi) et la base des 1-formes (les eν) à droite des composantes.

Comparaison entre et d

On pourra utilement comparer l’expression de u obtenue ci-dessus avec celle de du calculée auparavant :

        μ    i      i  k    ρ   i ν
 ∇u  = e ei(uμ,ν + A kνuμ - Γμνu ρ)e
                             1
d∇u  = ei(uiμ,ν + Aikνukμ - 0 - -uiρfμνρ)eν ∧ eμ
                             2

On voit que du = -2Altu ou Alt désigne l’opérateur d’antisymétrisation. De façon générale, si u Ωp(M,E), on peut fabriquer du Ωp+1(M,E) ou u Γ(T*pM E) Ω1(M) Ω1(M,T*pM E) ; la relation entre les deux est

|∇----------p-------------|
d--u-=-(--1)-(p +-1-)Alt-∇u-
où l’opérateur d’antisymétrisation Alt n’agit pas sur E.

Notons enfin que d ne fait explicitement intervenir que la connexion A sur E alors que fait appel à la fois à la connexion A sur E et à la connexion Γ sur TM. Il existe un cas particulièrement intéressant où les fibrés E et TM coiincident ; nous y reviendrons dans la section consacrée aux connexions linéaires.