4.4 Cas particulier des connexions linéaires

4.4.1 Définition et généralités

A priori, un fibré principal donné n’est pas nécessairement relié au fibré des repères linéaires d’une variété. Cela étant, il est certain que le fibré des repères linéaires fournit un exemple particulièrement remarquable d’espace fibré. Il en va de même, plus généralement, pour n’importe quel fibré principal associé au fibré tangent d’une variété et pour lequel, donc, le groupe structural est un sous-groupe de GL(n, I R).

On dira qu’une connexion est une connexion linéaire si elle est définie dans le fibré principal des repères linéaires ou dans un sous-fibré de ce dernier. Ce qu’il y a de particulier dans ce cas est que les indices de fibre (que nous avons noté i,j,k dans les sections précédentes) peuvent coïncider —ou tout au moins être canoniquement associés — avec les indices de base (que nous avons noté μ,ν,ρ, dans les sections précédentes). Dans le paragraphe consacré aux différentielles extérieures covariantes, nous nous sommes efforcés de bien établir une distinction entre ces deux types d’indices. Le fait de pouvoir les confondre, dans le cas des connexions linéaires, ouvre de nouvelles possibilités (on peut ainsi, par exemple, “contracter” un indice de fibre avec un indice de base) mais est également à l’origine de confusions dangereuses

Bien évidemment, les connexions dans des fibrés vectoriels associés quelconques (non reliés au fibré tangent) sont aussi “linéaires” que “nos” connexions linéaires mais il se trouve qu’une grande partie de la planète (en particulier la communauté des physiciens théoriciens) a adopté cette terminologie, par ailleurs commode.

Nous venons de définir une connexion linéaire comme connexion définie dans le fibré des repères linéaires ou dans un sous-fibré de ce dernier. Il y a là une subtilité qu’il faut bien comprendre : il est certain qu’une forme de connexion à valeurs dans l’algèbre de Lie du groupe H, avec H G, peut s’étendre à une forme de connexion à valeurs dans l’algèbre de Lie de G puisque tout fibré principal peut être élargi (relire à ce sujet la section consacrée au changement de groupe structural dans les fibrés principaux) et qu’il suffit alors de mettre à zéro les composantes supplémentaires de la forme de connexion choisie. Par contre, et même dans le cas où le fibré des repères linéaires peut être réduit (relire la même section), il n’est pas du tout évident que la forme de connexion puisse l’être. Nous reviendrons à ce problème dans la section consacrée à l’étude des connexion riemanniennes.

Il faut enfin attirer l’attention du lecteur sur le fait qu’il est a priori possible de fabriquer, à partir d’une variété différentiable de dimension n donnée, différents fibrés principaux ayant pour groupe structural GL(n, I R) et ne coïncidant pas entre eux. Par exemple, on peut choisir une variété non parallélisable (comme la sphère S4) et construire d’une part le fibré principal (non trivial) des repères linéaires P ainsi que le fibré principal trivial Q = S4 × GL(4, I R).

4.4.2 Potentiel de jauge et courbure des connexions linéaires

Une connexion linéaire étant un cas particulier de connexion principale, tout ce qui a été écrit précédemment à ce sujet reste vrai. Nous nous contenterons donc de re-écrire les formules les plus utiles dans le contexte présent.

Pour des raisons historiques, le potentiel de jauge se note plutôt Γ (et non A) et le tenseur de courbure se note plutôt R (et non F).

4.4.3 Différentielle extérieure covariante (cas des connexions linéaires)

Nous avons déjà défini l’opérateur d : Ωp(M,E)↦→Ωp+1(M,E) agissant sur les sections-p-formes d’un fibré vectoriel quelconque. Lorsque E = TM (ou une puissance tensorielle quelconque d’icelui), ce qui a été précédemment écrit reste vrai. La nouveauté vient du fait que, par suite de l’identification possible entre indices de base et indices de fibre, un seul et même objet peut être regardé de plusieurs façons différentes. Nous allons directement définir l’action de l’opérateur D, agissant sur des objets indexés (par exemple Bμ νρ) en décidant de ne jamais faire apparaître les indices de forme : c’est ainsi que si nous nous intéressons à une 2-forme à valeurs dans le fibré vectoriel TM T*M T*M, objet dont la décomposition complète par rapport à un repère naturel s’écrirait

                                ⊗
B =  1-Bμνρστ(-∂-- ⊗ dxν ⊗ dx ρ)   (dx σ ∧ dx τ)
     2!       ∂x μ
ou, mieux encore, plus simplement (c’est à dire en passant le sous silence)
        ∂       ν     ρ 1   μ       σ     τ
B  = (---μ ⊗ dx  ⊗ dx  )--B  νρστ(dx  ∧ dx  )
      ∂x                2!
Nous conviendrons de sous-entendre les indices de forme σ, τ et d’appliquer D à l’objet Bμ νρ qui, évidemment, n’est plus une fonction mais une 2-forme, puisque
|-------------------------|
B μ   = 1B μ    dxσ ∧ dx τ|
---νρ---2---νρστ-----------
C’est donc la notation elle-même qui définit le fibré dans lequel on se place, puisque seuls apparaissent les indices de fibre. On voit donc que
|------∂-------ν-----ρ---μ--|
-B-=-(∂xμ-⊗-dx--⊗--dx-)B--νρ-

Pour ce qui est de l’opérateur D nous obtenons,

|-----------------------------------------------------|
DB  μνρ = dB μνρ + Γ μλ ∧ B λνρ - Γ λν ∧ B μλρ - Γ λρ ∧ B μνλ
-------------------------------------------------------

Nous laissons au lecteur le soin de généraliser (de manière évidente) ces formules pour un objet B quelconque ayant un nombre quelconque d’indices en haut et en bas. Dans le cas présent, l’objet obtenu est donc une 3-forme à valeurs dans TM T*M T*M et on pourrait le noter, de façon intrinsèque, sous la forme dB, avec, par conséquent

|-------------------------------|
d∇B  =  (∂∂xμ ⊗ dxν ⊗ dxρ)DB  μνρ|
---------------------------------
L’inconvénient de la notation dB est qu’il faut se rappeler dans quel fibré on se place ; en effet, rien ne nous interdit de considérer B comme une 0-forme à valeurs dans TM (T*M)4 ou même, comme une 1-forme à valeurs dans TM (T*M)3 le problème étant alors que les opérateurs d relatifs à ces différents fibrés sont différents et que donc, les objets dB obtenus sont également différents (et tous absolument intrinsèques !). L’action de l’opérateur D, quant à elle, est bien déterminée, à condition, bien sûr, d’adopter la convention précédemment décrite, à savoir le fait d’écrire systématiquement les indices de fibre et de simultanément masquer les indices de forme. Le lecteur saura donc immédiatement calculer DBμ νρ aussi bien que DBμ νρστ ou que DBμ νρσ.

Pour lever l’ambiguïté concernant la notation d, il faudrait écrire d (p,q) pour la différentielle extérieure covariante agissant sur les formes de degré quelconque à valeurs dans (TM)p (T*M)q.

Pour illustrer notre propos, nous considérons un premier exemple donné par un tenseur antisymétrique de rang 2, noté F = 1 2Fμνdxμ dxν = Fμνdxμ dxν, sur la variété M. Nous pouvons considérer cet objet comme

Notre deuxième exemple sera un tenseur symétrique de rang 2 noté g = gμνdxμ dxν. Cet objet peut être considéré comme une 0-forme à valeurs dans le fibré T*M T*M, en l’occurrence, dans la partie symétrique de ce dernier, ou encore, de deux façons différentes, comme une 1-forme à valeurs dans le fibré T*M. Pour être en accord avec nos conventions d’écriture, on devrait plutôt écrire g = (dxμ dxν)gμν lorsqu’on veut considérer g comme 0-forme. Dans ce cas, on posera

                σ       σ
Dg μν = dgμν - Γ μgσν - Γ νgσμ
La différentielle extérieure covariante d0,2 coïncide alors avec la différentielle covariante puisqu’elle est appliquée à une 0-forme :
d∇0,2g = ∇g = dx μ ⊗ dx νDgμν = gμν;ρdx μ ⊗ dxν ⊗ dxρ
En tant que 1-forme, on écrira plutôt g = dxμgμ, ce qui définit la 1-forme gμ = gμνdxν. Dans ce cas, on posera
             σ
Dgμ = dgμ - Γμgσ
et la différentielle extérieure covariante d0,1g sera donnée par
d∇0,1g = dxμDg μ
Les deux indices de gμν jouant des rôles semblables, on peut également “geler” l’indice ν et définir un autre objet d1,0′∇g, d’ailleurs égal à d0,1g puisque g est symétrique. Nous reviendrons à ces diverses différentielles extérieures en donnant la définition du laplacien de Lichnerowicz, page 394.

4.4.4 Forme canonique (ou forme de soudure)

Le lecteur est maintenant familiarisé avec ce qui fait l’originalité des connexions linéaires par rapport aux connexions principales en général, à savoir la possibilité d’identifier “les indices de base” avec “les indices de fibre”. Il est donc largement temps d’examiner cette identification sous un angle un peu plus géométrique, ceci va nous conduire à découvrir un nouvel objet : la torsion.

Soit P = P(M,G) le fibré principal des repères sur M, ou un sous-fibré de ce dernier. Soit e un élément de P, c’est à dire, un repère de M. Considérons un vecteur u en e, c’est à dire un élément de T(P,e), c’est à dire encore, intuitivement, un “petit déplacement” du repère e dans l’espace des repères. Grâce à la projection π : P↦→M qui, à un repère, associe son origine, ou plutôt, grâce à son application tangente π*, nous pouvons prendre l’image v = π*u de u. Le vecteur v est un vecteur tangent à M situé à l’origine du repère e : v T(M,π(e)). Ce qu’il y a d’absolument unique dans le cas du fibré des repères, c’est que nous pouvons maintenant décomposer v sur l’élément e de P d’où nous sommes partis (puisque e est un repère !) : v = eμ.vμ, vμ I R. Nous avons donc construit une application θ qui, à tout vecteur u tangent au fibré principal P, associe un n-uplet de nombres (les composantes de v), c’est à dire un élément de I Rn. Cette application θ est donc une 1-forme sur P à valeurs dans I Rn et est désignée sous le nom de forme canonique (le mot “canonique” faisant référence au fait que sa définition ne dépend d’aucun choix de système de coordonnées) et quelquefois sous le nom de forme de soudure puisqu’elle permet de “souder” la fibre type I Rn (considéré comme espace de représentation pour le groupe linéaire) avec l’espace tangent à la base. Cette forme θ est évidemment équivariante puisque v = eμ.vμ = e μΛ.Λ-1vμ. Elle définit donc une 1-forme sur M à valeurs dans le fibré tangent TM = P ×GI Rn. A ce propos,nous suggérons au lecteur de relire la discussion générale, section 3.3.10, décrivant la correspondance bi-univoque existant entre sections de fibrés associés —ou p-formes à valeurs dans un fibré associé— et les fonctions —ou les p-formes— équivariantes, définies sur le fibré principal et à valeurs dans la fibre type. On identifie en général : Ωeqp(P, I Rn) Ωp(M,TM).

La 1-forme obtenue sur M se note encore θ et son expression, relativement au choix d’un repère mobile {eμ} et du corepère mobile dual {θμ}, est tout simplement

θ = eμ.θμ ∈ Ω1 (M, TM  )
où, conformément à la convention déjà utilisée précédemment, nous avons omis de faire figurer le symbole du produit tensoriel entre les éléments pris comme base de la fibre (ici eμ) et ceux pris comme base de l’espace des formes (ici θμ). Nous avons aussi, conformément à nos conventions, écrit les formes à droite des vecteurs de la fibre. Notons enfin que θ est bien tel que
           μ    ν        μ     ν       μ ν       μ
θ(v) = eμ.θ (eνv ) = eμ.θ (eν)v =  eμ.δν v =  eμ.v =  v
θ n’est donc rien d’autre que l’application identique mais considérée comme 1-forme sur M à valeurs dans le fibré tangent, c’est à dire, comme un élément de Ω1(M,TM). Dans la littérature physique, le repère mobile {e μ} entrant dans l’expression de la forme de soudure est quelquefois appel/ vierbein (“quatre pattes”).

4.4.5 Torsion

Le lecteur trouve peut-être un peu longue (tordue ?) cette variation sur l’application identique mais il se trouve que c’est elle qui fait la spécificité du fibré principal des repères. Lorsque ce dernier est muni d’une connexion, la différentielle covariante de θ n’est pas nécessairement nulle et n’est autre que la torsion.

Reprenons :

θ = eμθμ ∈ Ω1(M, T M  )
est la 1-forme canonique

Définissons la 2-forme de torsion

|-----∇------2----------|
-T-=-d--θ-∈-Ω-(M,-T-M-)--

T est ainsi une 2-forme à valeurs dans le fibré tangent, on peut donc l’écrire

|--------μ|
T--=-eμT---
Tμ est la 2-forme,
|-μ------μ---1--μ---ν----ρ|
T---=-D-θ--=-2T--νρθ--∧-θ--
Bien entendu, on peut également considérer la torsion comme un tenseur de rang 3, de type (1, 2), antisymétrique sur les indices ν et ρ, et écrire
T =  Tμ νρeμ ⊗ θν ⊗ θρ.
Calculons à présent la torsion à partir de sa définition :

      ∇      ∇     μ
T  = d  θ = d (eμ.θ )
   = (∇e μ) ∧ θμ + eμ.dθμ
         ν   μ       μ
   = eνΓ μ ∧ θ + eμdθ
   = eμ(dθμ + Γ μν ∧ θν) = eμD θμ ≡ eμ.T μ

Ainsi

 μ      μ    μ   ν
T  = dθ  + Γ ν ∧ θ
et ses composantes sont Tμ νρ = Tμ(e ν,eρ)

La différentielle extérieure ordinaire d n’agissant que sur les indices de forme, on a = d(eμμ) = e μ.dθμ et on peut donc écrire, encore plus simplement

|---------------|
-T-=-dθ-+-Γ-∧-θ-|
Si on utilise également la notation D décrite avec force détails en section 4.2.7, on voit que
 ∇           μ
d  θ = eμ.D θ
(puisque θ = eμμ), et donc
|--μ------μ|
-T--=--D-θ--
On pourra également écrire Tνρ = T(eν,eρ).

4.4.6 Equation de structure pour la torsion

Nous avons établi, en section 4.2.8, l’égalité suivante, valable pour la différentielle extérieure covariante d’une 1-forme σ quelconque, à valeurs dans un fibré vectoriel E : soit σ Ω1(M,E), alors

d ∇σ(eμ,eν) = ∇ μσ (eν) - ∇ νσ(eμ) - σ([eμ,eν])
Dans le cas particulier où E = TM et où σ est égale à la forme canonique θ, l’égalité précédente se simplifie considérablement puisque θ n’est autre que l’identité (θ(v) = v). Il vient donc
|-----------------------------|
|Tμν = ∇ μeν - ∇ νeμ - [eμ,e ν]|
------------------------------
Cette dernière égalité, qui est quelquefois prise comme définition de la torsion, est l’équation de structure cherchée. L’expression du tenseur de torsion en termes de coefficients de connexion et des fonctions de structure du repère mobile ([eμ,eν] = fμνρe ρ) est donc la suivante
|-ρ------ρ------ρ--------ρ|
T--μν =-Γ-νμ --Γ-μν---fμν--
On retrouve, bien sur, la propriété d’antisymétrie qu’on connaissait déjà :
T ρμν = - T ρνμ
Notons que, si on se place dans un repère naturel (fμνρ = 0) l’expression du tenseur de torsion est simplement donnée par la partie antisymétrique des coefficients de connexion. En conséquence, si, dans un repère naturel, la connexion est telle que Γρ νμ = Γρ μν, la torsion est nulle.

4.4.7 Identités de Bianchi pour les connexions linéaires

Nous avons, en section 4.3.4 établi l’identité de Bianchi relative à la courbure F d’une connexion quelconque A. Rappelons qu’elle s’écrit dF + A F = F A. Dans le cas des connexions linéaires on obtient donc directement l’identité

|---------------------|
-dR-+-Γ-∧-R--=-R-∧-Γ-.|
Rappelons que cette identité s’obtient en calculant la différentielle extérieure de R = dΓ + Γ Γ, en substituant dΓ par R - Γ Γ dans le résultat. Pour des raisons historiques cette identité relative à la courbure est connue sous le nom de “deuxième identité de Bianchi”. Le qualificatif “deuxième” vient du fait qu’il existe une “première identité de Bianchi” ; c’est une identité relative à la torsion, elle n’a donc un sens que pour les connexions linéaires. Elle s’obtient par une méthode analogue à la précédente, mais cette fois-ci en calculant la différentielle extérieure de la torsion.

      T =  dθ + Γ ∧ θ
= ⇒  dT =  0 + d Γ ∧ θ - Γ ∧ d θ

= ⇒  dT =  (R  - Γ ∧ Γ ) ∧ θ - Γ ∧ (T - Γ ∧ θ)
= ⇒  dT =  R ∧ θ - Γ ∧ Γ ∧ θ - Γ ∧ T + Γ ∧ Γ ∧ θ
D’où
|-------------------|
dT--+-Γ-∧-T-=-R--∧-θ-
Les deux identités de Bianchi s’écrivent, comme on vient de le voir, de façon assez simple lorsqu’on utilise des notations suffisamment compactes. On peut même “compactifier” davantage en écrivant dT = dT + T = dT + Γ T et en utilisant le fait que T = dθ ; l’identité de Bianchi relative à la torsion s’écrit donc
|--∇-2----------|
-(d-)-θ-=-R-∧-θ--
ce qui est d’ailleurs bien évident puisque le carré de la différentielle extérieure covariante n’est autre que l’opérateur de courbure. Par contre, si on veut absolument écrire ces identités avec tous les indices, les choses peuvent devenir assez compliquées... Pour apprécier tout le sel de cette remarque, il n’est peut-être pas inutile de nous vautrer, pour un court paragraphe, dans la “débauche des indices”, activité qui fut très prisée au début du siècle et qui reste encore presque indispensable lorsqu’on veut effectuer des calculs totalement explicites.

Première identité (relative à la torsion)

Le membre de droite de cette identité s’écrit explicitement

            1         ′    ′
R μτ ∧ θτ =  -R μτρ′σ′θρ ∧ θσ ∧ θτ
            2
         ⇒  ⟨Rμ ∧ θτ,e ⊗  e ⊗  e ⟩ = 1R μ  ′′⟨θρ′ ∧ θσ′ ∧ θτ,e ⊗ e ⊗ e ⟩
              τ       ν    ρ    σ    2   τρσ                ν    ρ    σ
Donc
1-1-R μτρ′σ′δρ′σ′τ′ = 1-(R μνρσ + Rμ ρσν + R μσνρ)
2!3!       νρσ     2
Le membre de gauche, quant à lui, dTμ + Γ τμ Tτ peut également s’évaluer sur eν eρ eσ. Il est donc possible d’écrire la première identité de Bianchi de façon telle que seuls les tensions de courbure et de torsion apparaissent explicitement :
|------------------------------------------------------------------------------------|
|Rμνρσ + R μρσν + R μσνρ = Tμ νρ;σ + Tμρσ;ν + T μσν;ρ + T τνρT μτσ + TτρσT μτν + TτσνT μτρ|
--------------------------------------------------------------------------------------
Si on introduit l’opérateur de cyclicité Σλ défini pour tout tenseur B de rang trois par
Σ λB (x, y,z) = B (x,y,z) + B (y,z,x) + B (z, x,y)
cette identité s’écrit encore :
Σλ{R (x,y)z} =  Σλ{(∇X  T)(y,z)} + Σ λ{T (T (x,y),z)}

Deuxième identité (relative à la courbure)

On peut soumettre la deuxième identité de Bianchi (celle relative à la courbure) à un traitement similaire : le membre de gauche dR + Γ R se transcrit immédiatement en une somme cyclique de dérivées covariantes du type Rμ νρσ;τ et le membre de droite R Γ peut se retranscrire en une somme de termes du type Rμ νρσTρ τκ en utilisant la relation entre torsion et coefficients de connexion établie en 4.4.6. Il vient

|-μ---------μ---------μ--------μ-----κ-----μ----κ-----μ-----κ-----|
R--νρσ;τ-+-R--νστ;ρ-+-R--ντρ;σ +-R-νκρTστ-+-R--νκσTτρ +-R-νκτT-ρσ-=-0--
Cette identité s’écrit encore
Σλ{(∇zR  )(x, y,w )} + Σ λ{R (T(x, y),z)w} = 0

4.4.8 Dérivées covariantes secondes, hessien et identités de Ricci

Commentaires concernant D2.
Tout d’abord, on sait que le carré de l’opérateur de différentiation extérieure covariante d n’est autre que la courbure. Retrouvons tout d’abord cette propriété, à titre d’exercice, dans quelques cas particuliers, en utilisant l’opérateur D.

Soit v Ωp(M,TM), on a

v = eα.vα
vα est une p-forme sur M.
    ∇           α         α    α     β      p+1
   d  v = eα.Dv   = eα.(dv  + Γ β ∧ v ) ∈ Ω    (M,  TM  )
(d∇ )2v = eα.D2v α = eα.(Ddv α + D (Γ αβ ∧ vβ))
               2 α    α      γ      α     β     α      γ    β
       =  eα.(d v  + Γ γ ∧ dv  + d(Γ  β ∧ v ) + Γ γ ∧ Γ β ∧ v )
       =  eα.(0 + Γ αγ ∧ dvγ + (dΓ αβ ∧ vβ) - (Γ αβ ∧ dvβ) + Γ αγ ∧ Γ γβ ∧ vβ)
                 α     α      γ     β
       =  eα.((dΓ β + Γ  γ ∧ Γ β) ∧ v )
       =  eα.(Rα β ∧ vβ) ∈ Ωp+2 (M, TM )

Ainsi donc, D2vα = Rα β vβ, comme il se doit.

Soit maintenant v Ωp(M,TM T*M), donc v = e α θβv βαvβα est une p-forme. Un calcul parfaitement analogue conduit à

(d ∇)2v = e  ⊗ θβD2V  α
          α         β
avec
D2V  αβ = R αρ ∧ V ρβ - R ρβ ∧ V αρ
Le fait d’obtenir une somme de deux termes faisant intervenir la 2-forme de courbure ne doit pas surprendre : cela est fondamentalement lié à la façon dont se représente l’algèbre de Lie du groupe linéaire dans la définition du fibré vectoriel TM T*M.

La généralisation est évidente : si, par exemple, v Ωp(M,TM T*M T*M) c’est à dire v = eα θβ θγ.vα βγ, avec vα βγ Ωp(M), alors (d)2v = e α θβ θγD2vα βγ et D2vα βγ = Rα ρ V ρ βγ -Rρ β V α ργ -Rρ β V α βρ

Opérateurs ∇∇∇

Soit S est un tenseur quelconque de rang (r,s), considéré comme section de E = TMr T*Ms, c’est à dire S Ω0(M,E), nous voulons donner un sens à ∇∇S. Nous savons que S est une 1-forme à valeurs dans E, (ainsi S = dS Ω1(M,E), puisque que et d coïncident sur les 0-formes), et que (d)2S Ω2(M,E), mais , par définition, n’agit que sur les 0-formes (à valeurs dans n’importe quel fibré). Pour pouvoir appliquer sur S il suffira donc de considérer les 1-formes à valeurs dans E comme des 0-formes à valeurs dans E T*M. Encore une fois, nous identifions Ω1(M,E) avec Ω0(M,E T*M) (l’application identique sera notée Id). Explicitement, si v = eIV I Ω1(M,E), avec V I = V μIθμ Ω1(M) et si “I” désigne un multi-indice relatif à une base de E, on écrira simplement v = eIθμV μI Ω0(M,E T*M), avec V μI Ω0(M). Pour ne pas alourdir les notations, on note encore v l’image de v par l’application identique ! Cette application identique déguisée Id se généralise d’ailleurs de façon évidente pour fournir un homomorphisme injectant l’espace vectoriel Ωp(M,E) dans Ω0(M,E (T*M)p)). Il faut donc comprendre ∇∇S comme

(∇ ∘ Id ∘ ∇ )S
mais, bien entendu, nous n’écrivons jamais Id explicitement. Noter que rien n’interdit au lecteur un peu pervers de considérer des objets comme
∇ ∇ ∇d ∇ ∇d ∇d∇ ∇S
qu’il faut comprendre comme la composée
                                   ∇           d∇           d∇
                         Ω0(M, E )↦→  Ω1 (M, E )↦→  Ω2 (M, E )↦→  Ω3 (M, E )
Id  0           *   ⊗3   ∇   1           *   ⊗3  d∇  2           *   ⊗3
↦→  Ω (M, E ⊗  (T M  )  )↦→  Ω  (M,  E ⊗ (T  M )  ) ↦→  Ω (M, E  ⊗ (T M  )  )
Id  0           *   ⊗5   ∇   1           *   ⊗5  Id  0           *   ⊗6
↦→  Ω (M, E ⊗  (T M  )  )↦→  Ω  (M,  E ⊗ (T  M )  ) ↦→  Ω (M, E  ⊗ (T M  )  )
∇↦→  Ω1(M, E ⊗  (T*M  )⊗6 ) I↦→d Ω0 (M, E ⊗ (T *M )⊗7) ∇↦→  Ω1(M, E  ⊗ (T*M  )⊗7 )
                                                     0           *   ⊗8
                                                 ≃  Ω (M, E  ⊗ (T M  )  )
et de comparer cet opérateur avec, par exemple ∇∇∇dddS !
Hessien.
Nous nous contenterons d’examiner d’un peu plus près l’opérateur Hess = ∇∇. Prenons S Ωp(M,E), S = eISI avec SI Ωp(M). Alors S = eIDSI Ωp+1(M,E) qu’on peut considérer (application Id) comme S = eIθβS;βI Ωp(M,E T*M) puisque DSI = θβS;βI. Alors ∇∇S = eI θβ (S;βI);γθγ Ω1(M,E (T*M)) qu’on peut considérer comme ∇∇S = eI θβ θγ(S;βγI) Ω0(M,E (T*M)2). On a noté S;βγI = (S;βI);γ les composantes de ∇∇S. On note également βS = ⟨∇S,eβ= eI.S;βI Ω0(M,E) la dérivée covariante de S dans la direction eβ. La dérivée covariante de S —considérée comme élément de Ω0(M,E T*M)— dans la direction eγ sera donc γS = ⟨∇(S),eγ= eI θβ(S;βI);γ Ω0(M,E T*M), par conséquent eI.S;αγI = ⟨⟨∇∇S,eγ,eα= ⟨∇∇S,eα eγ. Attention : βS Ω0(M,E), β étant fixé, est une brave section de E et on peut donc aussi calculer ∇∇βS qui est un élément de Ω1(M,E), mais alors, l’indice β étant gelé, il n’y a pas à introduire de Γ relatif à l’indice β dans le calcul de ∇∇βS. La conclusion est alors que α(βS) = ⟨∇⟨∇S,eβ,eαn’est absolument pas égal à S;αβ = ⟨⟨∇∇S,eβ,eα ; il faut donc faire très attention ! En pratique, les choses sont assez simples car ce sont les composantes de ∇∇S (ou d’autres expressions d’ordre supérieur du même type) qui sont intéressantes et non les composantes de (βS). La raison pour laquelle nous consacrons ces quelques lignes à attirer l’attention du lecteur sur ce sujet assez trivial, c’est que la confusion possible dont on vient de parler est à l’origine de bien des erreurs A ce sujet, il est assez inexact de prétendre (comme on l’entend parfois) que “de toutes façons, un objet tel que βS n’est pas un objet covariant”, c’est faux. La situation que nous avons ici est parfaitement analogue à celle qu’on rencontre en relativité restreinte : bien que “l’énergie d’une particule” soit une quantité dont la valeur dépende du repère (de l’observateur) choisi et donc une caractéristique non intrinsèque de la particule, “l’énergie d’une particule mesurée par un observateur déterminé” est néanmoins une quantité digne d’intérêt qu’on peut d’ailleurs calculer dans n’importe quel repère.
Hessien d’une fonction scalaire.
Abandonnons là ces remarques semi-pédagogiques et illustrons les considérations précédentes avec un exemple très simple, le calcul de ∇∇h h est une fonction sur la variété M.

Prenons h Ω0(M, I R) et donc h Ω1(M, I R)I≃dΩ0(M,T*M) avec h = θαh ;α, et h;α = h = eα[h] Partant de h Ω0(M,T*M) on obtient ∇∇h Ω1(M,T*M)I≃dΩ0(M,T*M T*M), ainsi

|-------------------------------|
Hess  (h) = ∇ ∇h =  θα ⊗ θβh;αβ |
--------------------------------
En vertu des règles de calcul déjà établies, on obtient directement h;αβ = eβ[h;α] - h;ρΓαβρ = e β[h] - hΓαβρ = e β[eα[h]] - eρ[hαβρ. Ainsi
|--------------------------|
|h;αβ = eβ[e α[h ]] - eρ[h]Γ ρ |
------------------------α-β-
Notons que
∇ ∇h  = ∇ (θαh,α) = θαDh, α = θα ⊗ θβh,α;β = θ α ⊗ θ βh;αβ
Dans un système de coordonnées locales {xμ}, on écrira
                  μ     ν
Hess  (h ) = h;μνdx  ⊗  dx
avec
|----------------------|
|       -∂2h--    ρ ∂h-|
-h;μν-=--∂xμ∂xν---Γ-μν∂xρ-
Hessien d’une 0-forme à valeurs vectorielles.
PLus généralement, soit ξ Ω0(M,E), {e i} un repère dans les fibres de E et {θα} un corepère mobile sur M. Il vient immédiatement :
Hess (ξ) = ∇ ∇ ξ = ∇ ∇ (eiξi)
                   i         α i
         = ∇ (eiD ξ) = ∇ (eiθ ξ;α)
         = eiθαD ξi;α =  eiθα ⊗ θβ ξi;α;β
              α    β i
         = eiθ  ⊗ θ ξ;αβ
avec
ξi = ξi + Ai  ξj
 ;α    ,α    jα
et
 i        i     γ   i    i  j
ξ;αβ = eβ[ξ;α ] - Γαβξ;γ + Ajβξ;α
Noter que nous devons “corriger”, dans le calcul des dérivées covariantes, aussi bien les indices de type TM (grâce à la connexion Γ) que les indices de type E (grâce à la connexion A). Noter aussi que notre symbole est “global” en ce sens que nous n’introduisons pas de symboles particuliers pour les différentes connexions.

Nous reparlerons du hessien dans la section consacrée aux laplaciens (en page 395).

Non commutation des dérivées covariantes secondes.

4.4.9 Tenseur de Ricci

Le tenseur de courbure F pour une connexion principale quelconque possède des composantes Fji μν et il est impossible de contracter l’indice i avec l’indice μ puisque ces indices sont de nature différente : l’un est un indice de fibre et l’autre un indice de base. Par contre, pour une connexion linéaire, on peut choisir le même repère dans les fibres et sur la base, il devient donc possible de contracter un indice de fibre avec un indice de base : à partir du tenseur de courbure R F de composantes Rσρ μν, on peut fabriquer un tenseur covariant de rang 2, le tenseur de Ricci , que nous noterons ρ et qui est donc défini par l’égalité

ρσν = Rμσμν
Notons que nous n’avons pas eu besoin de métrique pour définir ce tenseur alors que l’utilisation d’une métrique est nécessaire, comme nous le verrons, pour définir la courbure scalaire. Nous reviendrons au tenseur de Ricci dans le cadre de l’étude des connexions métriques.

4.4.10 Courbes autoparallèles

Un champ de vecteurs v est dit parallèle ou transporté par parallélisme le long d’un arc de courbe C : τ I R C(τ) lorsque sa dérivée covariante est nulle dans la direction du vecteur tangent u = d _ à C. Ce vecteur tangent possède des composantes uα = dCα dans un repère donné. La loi du transport parallèle s’écrit donc

               μ     μ   σ  α
∇uv  = 0 ⇔  u[v ] + Γ σαv  u  = 0
            dv μ    μ    σdCα
         ⇔  ---- + Γ σαv  ----=  0
             dτ           d τ

La courbe C(τ) est dite courbe autoparallèle si son vecteur tangent u est lui-même transporté par parallélisme le long de C. Ainsi

                                            d
C(τ)est autoparall`ele ⇔  ∇uu  = 0, avec u =  ---
                                            dτ
                        d2C-α    α  dC-βdC-γ
                     ⇔   dτ2 +  Γ βγ dτ  dτ  = 0
Nous verrons, dans la section consacrée aux connexions riemanniennes, comment ces courbes autoparallèles sont reliées aux géodésiques. De fait, les autoparallèles d’une connexion donnée sont quelquefois désignées sous le nom de “géodésiques de la connexion”, mais nous préférons réserver cette terminologie au cas de connexions très particulières.

4.4.11 Connexions linéaires sur les groupes et espaces homogènes

Soit G un groupe, que nous supposons ici compact, et G∕H un espace homogène. Au niveau des algèbres de Lie, grâce au choix d’un produit scalaire dans LieG on peut écrire LieG = LieH 𝔰 𝔰 peut s’identifier avec l’espace tangent à G∕H en l’origine. La forme de Maurer-Cartan sur G est à valeurs dans LieG et on peut considérer sa projection sur LieH. On montre qu’on obtient ainsi une forme de connexion (dite canonique) sur le fibré principal G = G(G∕H,H). Par ailleurs nous supposons (cas usuel) que [LieH,𝔰] 𝔰 et même que h H,h𝔰h-1 𝔰. En d’autres termes, l’espace vectoriel 𝔰 est le support d’une représentation linéaire du groupe H (c’est la représentation adH). En conséquence, on obtient un homomorphisme de H dans End𝔰. Cet homomorphisme permet d’étendre le fibré principal G = G(G∕H,H) au fibré des repères linéaire au dessus de G∕H (c’est un fibré de base G∕H et de fibre type GL(s) avec s = dim(𝔰)). La connexion canonique donne ainsi naissance à une connexion linéaire sur l’espace homogène G∕H.

Ce type de construction et les géométries qui lui sont associées constituent un vaste chapitre de la géométrie différentielle et nous renvoyons le lecteur à un ouvrage tel que [9] pour plus de détails. Notons pour finir qu’on obtient ainsi également une connexion linéaire sur G lui-même lorsqu’on considère la variété sous-jacente comme quotient de G×G par son sous-groupe diagonal (isomorphe à G).